Les SUBS accueillent 5 solos dans le cadre de Danser Encore avec l’Opéra de Lyon, portés par de grands noms de la danse contemporaine.
Au printemps 2020, du lieu même d’une impossibilité, le programme Danser Encore fût imaginé par Julie Guibert, nouvelle directrice du Ballet de l’Opéra de Lyon.
Des artistes ont été invités à écrire sur plusieurs saisons un solo à chacune et chacun des 30 interprètes du Ballet. Dans le cadre de la Biennale 2021, cinq commandes de création de solo ont été faites aux chorégraphes Claire Bardainne et Adrien Mondot, Marcos Morau, Rachid Ouramdane, Nina Santes et Noé Soulier. Chacune des pièces noue une histoire singulière avec l’interprète du Ballet choisi et décline une esthétique propre au chorégraphe. Les solos s’articulent autour de sujets comme l’apparition-disparition, les limites de la perception, les facultés de la mémoire, les mutations et l’exploration fragmentée du corps, et s’enchaînent en passant d’un univers à un autre, sans discontinuité. Une façon sensible et intimiste de découvrir Tyler Galster, Paul Vezin, Leoannis Pupo-Guillen, Elsa Monguillot de Mirman et Katrien De Bakker, interprètes hors-pairs.
Au printemps dernier, j’ai dialogué avec chacune et chacun des interprètes du Ballet de l’Opéra de Lyon au sujet du désir de danser encore, de nous retrouver, de retrouver la scène, alors que le confinement avait fait se creuser en nous toutes et tous la question du retour, ou pas, à ce que nous avions dû quitter. Au fil de nos échanges, souvent intimes, surprenants, éclatants, nous nous sommes promis de danser encore, malgré tout, obstinément.
J’ai proposé alors à ces femmes et ces hommes qui dansent d’inviter des artistes à leur écrire un solo. Du lieu même d’une impossibilité, ce programme s’est imaginé tel un sursaut, telle une levée prodigieuse : aujourd’hui au nombre de 7, les solos seront demain 30, du nombre d’interprètes que compte la compagnie, et se transmettront sans fin aux interprètes à venir.
Danser Encore se présente comme un manifeste, et s’offre au public frappé d’enthousiasme : chaque solo à sa manière affirme qu’infiniment nous danserons, toutes et tous, comme on brave. Ainsi se sont inventées, s’inventent et s’inventeront des pièces données de concert ou pas, disséminées ou rassemblées, sur plusieurs saisons.
Julie Guibert, directrice du ballet de l’Opéra national de Lyon, octobre 2020
Rachid Ouramdane
jours effacés (2021) – 13 min
Dans un moment où prendre soin des uns et des autres devient impératif, j’ai souhaité m’intéresser à la situation où les enfants ont à s’occuper des adultes qui les entourent. Une inversion des responsabilités que nombre d’entre-eux doivent parfois endosser. Au travers d’un solo qui met en scène un danseur (l’artiste Léoannis Pupo-Guillen) qui semble perdre la mémoire, ce solo donne à voir une danse qui apparaît comme des souvenirs remontent à la surface et qu’un enfant tente de rappeler à l’adulte dont il s’occupe. Une façon d’atteindre la mémoire par le geste. Une danse qui jaillit tel le dernier saut de Vaslav Nijinsky photographié dans l’asile psychiatrique où il était interné après avoir perdu toutes ses facultés mentales, et où face à un danseur qui lui avait rendu visite pour interpréter une de ses danses passées, Vaslav Nijinsky réalisa un dernier grand saut.
Rachid Ouramdane
Noé Soulier
Self Duet (2021) – 10 – 15 min
Avec ce solo pour Katrien De Bakker, Noé Soulier poursuit son exploration de la dimension fragmentaire du rapport au corps. Dans notre expérience du mouvement, certains objets, certaines sensations, certaines parties du corps occupent une place centrale quand d’autres sont laissés dans l’ombre. En retirant ce qui rend familières nos actions quotidiennes, Noé Soulier tente de construire des gestes qui, par leurs aspérités, sont à même d’activer notre mémoire corporelle et ses nombreuses ramifications physiques et psychiques. Il rend ainsi perceptibles l’étrangeté et le caractère insaisissable de l’expérience de notre propre corps.
Nina Santes
LA VENERINA (2021) – 15 min
« – Elsa, qu’est-ce que tu n’as jamais fait sur scène ?
– Je n’ai jamais fait peur.
– …Mais de quoi a-t-on vraiment peur ? »
Notre rencontre en pleine pandémie parle de mutations. Des transformations invisibles, autant que des purges brutales et nécessaires. Qu’est-ce qu’on est en train de devenir ? La Venerina est la fiction d’un devenir. Une mutante. Initialement, La Venerina est une statue anatomique en cire d’abeille, réalisée au XVIIIe siècle par Clemente Susini. Elle est
cette femme sans voix, sans nom, dont on peut ouvrir et observer le corps. Aujourd’hui, elle se réveille, fait vibrer ses tissus, ses cordes, et se dépouille une dernière fois, sous nos yeux. Pour cette rencontre avec Elsa, je poursuis mes réflexions autour des figures du monstrueux et de leur potentialité. Puisqu’elle « en a marre du beau », et moi aussi. Ensemble nous nous questionnons sur les peurs contemporaines, sur l’irregardable, et ce que cela dit de nos cultures. Je jubile de nos écarts fertiles de mondes et de langages. D’ouvrir un espace nouveau pour elle, avec elle : celui du solo.
Le solo comme espace du risque, du danger, mais surtout de l’empuissancement, de la transgression, de la transformation de soi. La Venerina est un solo pensé comme une micro-fiction ou une scène de film, plaçant la voix et le son comme éléments centraux de la présence et comme prolongements du geste. Dans une danse sonore et habitée,
Elsa convoque un personnage polyphonique de femme mutante.
Marcos Morau
Love (2020) – 15 min
Cette nouvelle œuvre de Marcos Morau/ La Veronal pour l’Opéra national de Lyon joue avec les limites de la perception, l’esprit se perdant dans les frontières de l’imagination. Dans Le Théâtre et son double, Antonin Artaud écrit « L’esprit croit ce qu’il voit et fait ce qu’il croit : c’est le secret de la fascination ». Le corps du danseur, ici attaché à une boîte en carton d’une manière presque hypnotique et mystérieuse, explore les limites de la pesanteur, de l’inconnu et du jeu, nous montrant jusqu’à quel point il peut être grisant de se perdre dans une simulation ou un mensonge que nous avons créés nous-mêmes. Le rapport entre l’objet et le corps, entre l’inanimé et le vivant, entre ce que nous ne voyons pas et ce que nous voyons, entre la tension et la force, produit une rencontre complexe qui pousse l’interprète à la lisière de toute logique.
Ioannis Mandafounis
Komm und birg dein Antliz (2020) – 9 min
C’est comme une collaboration, davantage qu’une création, que Ioannis Mandafounis a pensé cette pièce confiée à Yan Leiva. Comme un partage aussi : des choses apprises et des secrets de fabrication et outils. Une transmission au fond, dont la réussite éclate avec une rayonnante simplicité à la mesure du 6ème lieder de L’Amour et la vie d’une femme de Schumann. Un jeu surtout qui sublime l’intelligence physique et l’esprit du danseur tout comme son travail de recherche gestuelle. Une pièce que Mandafounis résume simplement, trop heureux d’avoir créé « un solo sur la joie ».
Jours effacés – RACHID OURAMDANE
Chorégraphie et concept : Rachid Ouramdane | Collaboration et interprétation : Leoannis Pupo-Guillen avec en alternance Timour Aubin Baudoin et Eliam Terron de la Maîtrise de l’Opéra de Lyon | Musique : Adagio pour cordes de Samuel Barber | Avec le soutien de : Dance Reflections by Van Cleef and Arpels
Self duet – NOÉ SOULIER
Chorégraphie et concept : Noé Soulier | Collaboration et interprétation : Katrien De Bakker | Musique Violoniste live : en
cours, Grand caprice sur le roi des Aulnes Op. 26 de Heinrich Ernst. Pièce pour violon solo, transcription de Erlkönig de Franz | Avec le soutien de : Dance Reflections by Van Cleef and Arpels |
Co-production : CNDC Angers
La Venerina – NINA SANTES
Chorégraphie et concept : Nina Santes, La Fronde | Collaboration et interprétation : Elsa Monguillot de Mirman | Lumières : Yohann Fourcade | Costumes et scénographie : Pauline Brun | Avec le soutien de : Dance Reflections by Van Cleef and Arpels
Love – MARCOS MORAU
Chorégraphie, conception scénique et sonore : Marcos Morau | Collaboration et interprétation : Paul Vezin | Lumières : Yohann Ambert-Fourcade | Musique : Dawn Chorus, Thom Yorke (Anima, 2019)