Martin Palisse

Résidence
Du 9 au 13 novembre 2020

Martin Palisse est accueilli en résidence aux SUBS pour son projet Time To Tell qui sera présenté en 2021.

Avec cette nouvelle création, le jongleur mélomane et plasticien prend la parole pour faire le récit d’une vie d’artiste sous l’emprise d’une maladie génétique “sévère et rare”, la mucoviscidose. Au cœur d’un dispositif bifrontal, Martin Palisse met en scène avec humour et pudeur sa relation à la maladie et à sa pratique artistique. Son acte de jonglage prend une tournure radicale, endurante, puissante en poussant son souffle et sa respiration jusqu’à l’asphyxie – sensation qu’il ne connaît que trop bien, son système respiratoire étant condamné à une lente atrophie. Ce cirque de l’intime qui puise ses références dans les abstractions ludiques de François Morellet et le minimalisme musical de Steve Reich et Terry Riley formule de façon aussi originale que percutante l’équation de notre humaine condition.


Note d’intention

L’exploration du temps traverse mon œuvre depuis plusieurs années. Je souhaite à travers cette pièce révéler par le récit l’origine de ce rapport particulier que j’ai au temps tout en confrontant ce récit à ma pratique de jongleur. Je souhaite ainsi révéler comment cette origine a bien évidemment totalement façonné ma pratique.

Je suis né le 04 janvier 1981, atteint d’une maladie génétique sévère et rare, la mucoviscidose. Il y a un trouble dans le fait d’être malade génétiquement, parce qu’on ne « tombe » pas malade mais on est programmé génétiquement différemment, et donc malade. Cela s’opère avant la naissance, au moment de l’encodage génétique. C’est un héritage. Une chance sur quatre. Le destin, ce mot prend alors un sens tout particulier.

Mon père dit que je n’ai jamais été petit. Le fait de naître atteint d’une maladie modifie puissamment le comportement des adultes vous entourant et donc par ricochet le vôtre. Mon rapport à la mort, à la finitude, a déterminé puissamment qui je suis et comment j’ai agi. J’ai grandi avec une sorte d’obsolescence programmée. J’ai développé une lutte, souvent souterraine, pour ne pas plier sous le poids du destin annoncé.

Actuellement, je suis entré dans une période de ma vie particulière, j’ai dépassé l’espérance de vie moyenne, qui plus est en bonne santé et à l’heure où la science vient de faire un pas en avant notable dans la prise en charge de la maladie, ce qui me donne une perspective temporelle pas vraiment anticipée. Je commence à agir sans me soucier de la finitude, comme si une sorte de course se terminait. J’ai cessé de penser à la mort quotidiennement. Je sens mon corps vieillir et non pas régresser ou s’atrophier.

Autant de perspective qui m’amène à re-questionner le rapport entre mon travail artistique et ma condition d’homme malade, handicapé.

Je souhaite à travers cette nouvelle pièce faire récit de ce parcours, énoncer mes choix, mes peurs, mes douleurs au regard de ma singularité. Ce récit je veux le mettre en scène, en parallèle d’un acte de jonglage radical, fatiguant, endurant, lent, puissant, un acte physique poussant mon souffle, ma respiration jusqu’à l’asphyxie.

L’asphyxie, le manque d’oxygène, c’est une sensation que l’on connaît très vite avec cette maladie, il y a de grande chance que la mort soit due à une sorte d’asphyxie puisque le système respiratoire s’atrophie de manière inéluctable du début à la fin.

J’ai toujours tenu pour quasi secret ma maladie, fuyant la condescendance, la complaisance, ne voulant pas être jugé ou considéré à partir de cette particularité. Je mesure néanmoins de plus en plus l’erreur de cette mise à distance permanente. Je choisi aujourd’hui de rompre avec cette posture, considérant qu’elle m’empêche désormais.

J’écris depuis de nombreuses années que « Jongler est pour moi un étirement du temps, une pratique me permettant de me projeter dans le temps sans craindre la peine de l’existence ».

A travers cette pièce je souhaite livrer le récit d’une vie, de la vie du jongleur que je suis devenu fuyant ainsi la peine de mon existence.

Il va de soi que la démarche de se raconter n’a d’intérêt que par le fait d’aborder des sujets qui me dépassent. L’ensemble de ce récit devra avoir une résonance, un écho au-delà de ma personne, il y a nécessité que mon histoire appelle à se confronter à des questions, des réflexions qui nous peuvent tous nous traverser à un moment ou un autre de notre existence. C’est mon intention. Dans cette perspective, il m’a paru décisif de partager fortement et dès le départ cet acte de création avec un metteur en scène, un homme de théâtre aguerri à la narration. C’est avec David Gauchard que je m’engage dans cette création.

Martin Palisse

MARTIN PALISSE, jongleur, auteur et directeur du Sirque, Pôle National Cirque de Nexon Nouvelle-Aquitaine

La découverte de la musique de phase, dite musique minimaliste, de Steve Reich et Terry Riley que lui avait fait découvrir Jérôme Thomas, est décisive dans l’orientation de son travail de composition jonglistique.

L’ensemble de l’oeuvre de Martin Palisse est dès lors intimement lié à une utilisation presque radicale de la musique (qu’elle soit minimaliste, post-rock, électronique) comme support premier de son discours jonglistique : énergique, rigoureux, souvent épuré mais malgré tout trèémotionnel. Son jonglage se développe ainsi sur des bases géométriques scéniques et sonores extrêmement développées et en adéquation permanente. Ces bases géométriques scéniques s’appuient sur deux actions du corps simultanées : marcher et jongler, qui recouvrent la dimension horizontale et verticale de l’espace-temps. La musique est très souvent jouée en direct lors des représentations ou performances, notamment avec le musicien Cosmic Neman avec lequel Martin Palisse collabore étroitement. Dans ses spectacles, Martin Palisse affronte les structures musicales avec sa pratique du jonglage.

 Né en 1981, il n’a jamais aimé l’école et découvre le jonglage à l’âge de 17 ans, c’est une révélation pour lui et il décide de quitter l’école.

C’est avec Jérôme Thomas, son maître d’art, qu’il découvre la discipline de la jonglerie dès 2001. Grace à lui il aura également accèà l’enseignement de la jongleuse russe Nadejda Aschvits, du jongleur finlandais Maksim Komaro et du danseur Hervé Diasnas.

En 2002 il fonde avec Elsa Guérin le Cirque Bang Bang et oeuvre avec elle à la création de spectacles jusqu’en 2015.

Sous l’oeil exercé de Phia Ménard, ils créent Dans Quel Sens ? qu’ils joueront jusqu’en 2005, année où ils seront invités au Japon pour se produire à la Triennale Internationale d’Art Contemporain de Yokohama.

En 2006 ils entament définitivement un virage vers le Cirque en conceptualisant leur propre chapiteau dans lequel ils créeront Une Nuit sur Terre avec le musicien et compositeur Manu Deligne et la complicité de Johanny Bert à la mise en scène. Suivront deux autres pièces Body no Body (2009) et Somebody (2010).

En 2011, ils créent le spectacle POST et une digression, Blind/Action, spectacles qui marquent l’art de la jonglerie. Ils signent pour ces deux oeuvres et les suivantes la mise en scène et la scénographie.

Martin Palisse devient le premier artiste nommé à la direction d’un Pôle National Cirque en janvier 2014. Dès lors son rapport temporel à la création se modifie. Il entame une réflexion sur la dualité metteur en scène/interprète dans le cirque contemporain.

Cette même année il sera invité à collaborer auprès de Jérôme Thomas pour la mise en scène du spectacle Over the Cloud, de la 26ème promotion du Centre National des Arts du Cirque. Il créera également une courte performance avec Elsa Guérin, Still life.

En 2015 il rencontre le groupe de musique français Zombie Zombie et les invite pour la création de Slow futur au festival Mettre en Scène du Théâtre National de Bretagne.

En 2016, il crée avec Halory Goerger et Cosmic Neman (moitiédu duo Zombie Zombie) Il est trop tôt pour un titre au Festival d’Avignon dans le cadre des Sujets àVif ; et met en scène Hip 127 la constellation des cigognes à l’Opéra de Limoges, spectacle d’après l’oeuvre jonglistique de Jérôme Thomas sur une composition originale de Roland Auzet dirigée par le chef d’orchestre Daniel Kawka.

En 2017, répondant à une commande, il met en scène et chorégraphie Entre Ciel et Terre, pièce pour quatre jongleurs sur le répertoire musical de Percu-temps de l’ensemble musical contemporain Ars Nova et accompagne Jean Lambert-Wild, metteur en scène, acteur et directeur du Théâtre de l’Union (CDN de Limoges) dans la création d’une calenture intitulée Le Clown du Rocher.

En 2019, il créé le spectacle Futuro Antico avec Cosmic Neman, mis en scène par Halory Goerger.

DAVID GAUCHARD, metteur en scène et directeur artistique de la Cie L’unijambiste depuis 20 ans

Dans le cadre de sa compagnie, il met en scène une quinzaine de pièces : Mademoiselle Julie d’August Strindberg, Talking Heads d’Alan Bennett, Hedda Gabler d’Henrik Ibsen (traduction en arabe tunisien de Mohamed Driss), en passant par Des couteaux dans les poules de David Harrower ou encore Ekatérina Ivanovna de Léonid Andréev en 2014. Il se fait surtout remarquer avec ses mises en scènes de Shakespeare : Hamlet en 2004, Richard III en 2009 et Le songe d’une nuit d’éte en 2012.

Son travail a la particularité de mélanger les influences artistiques et les réseaux. Auteurs, traducteurs, comédiens, musiciens, chanteurs lyriques, artistes graphiques et photographes se mêlent et collaborent dans ses spectacles, toujours avec le désir de faire sens par rapport au texte. On le retrouve également depuis quelques années aux côtés du conteur réunionnais Sergio Grondin avec Kok Batay en 2013, Les chiens de Bucarest en 2015 et Maloya en 2018. Pour la saison 2016- 2017, il accomplit à Genève la création d’Aux plus adultes que nous de Samuel Gallet. Texte issu d’une commande d’écriture des Scènes Nationales du Jura et du théâtre Am Stram Gram de Genève dans le cadre du dispositif Le théâtre c’est (dans ta) classe. En 2017, il crée à Limoges Le fils, texte commandé à l’autrice Marine Bachelot Nguyen et nomination aux Molières 2019 pour Emmanuelle Hiron dans la catégorie Seul(e) en scène.

Après ses débuts à l’opéra en 2015 avec Der Freischütz de Weber, dirigé par Robert Tuohy dans une production de l’Opéra-Théâtre de Limoges, il crée en 2018 L’odyssée de Jules Matton sur un livret de Marion Aubert, dans une production du Théâtre Impérial de Compiègne en complicité du Quatuor Debussy. En octobre 2018, la Scène Nationale de Chambéry accueille sa dernière création Le temps est la rivière où je m’en vais pêcher librement inspiré de l’oeuvre d’Henry David Thoreau. Pour janvier 2021, il prépare la création de Nu, une recherche autour du nu artistique, du modèle vivant, de l’art de la pose.

Conception, mise en scène et scénographie :  David Gauchard & Martin Palisse
Interprétation : Martin Palisse
Création son : Chloé LevoyCréation lumière : Gautier Devoucoux
Captation vidéo : Pierre Bellec
Photographie : Christophe Raynaud de Lage

Producteur exécutif : Le Sirque, Pôle National Cirque, Nexon, Nouvelle-Aquitaine
Production : L’unijambiste
Soutien : OARA | Office Artistique de la Région Nouvelle-Aquitaine
Crédit photo : Christophe Raynaud de Lage