Les subsistances

Laboratoire international
de création artistique - Lyon
Théâtre / Danse /
Cirque / Musique

Les subsistances

Laboratoire international
de création artistique – Lyon

Archives - Saison 2017 - 2018
Pr Programmation

Joachim Latarjet & Alexandra Fleischer / Compagnie Oh! Oui…

Chantier

Jeudi 5 octobre 2017 à 19h30

Présentation

Présentation d’une étape de travail du spectacle de Joachim Latarjet & Alexandra Fleischer /Compagnie Oh ! Oui… – Elle voulait mourir et aller à Paris.

A travers ce projet Joachim Latarjet & Alexandra Fleischer travaillent sur la mythologie familiale, ils explorent ce sur quoi se construit une famille. Les spectacles de la compagnie sont très libres et empruntent à toutes les disciplines : le théâtre, la musique, la danse, la vidéo.

Joachim Latarjet & Alexandra Fleischer /compagnie Les sciences naturelles sont accueillis aux Subsistances en résidence en octobre 2017.
Ce spectacle sera présenté aux Subs pendant Week_end sur mars !

Note d’intention

Entretien avec Joachim Latarjet

Quelles sont les origines de ce projet ?
Je suis à moitié grec, à moitié français. Ma mère est Grecque, mon père est Français. Je suis binational, j’ai cette double culture, mais j’ai été élevé en France, je connais mieux la France que la Grèce. Et j’ai eu plus difficilement accès à la part grecque de ma culture parce ma mère n’a pas voulu apprendre le grec à ses enfants. Souvent, quand des parents immigrés ne parlent pas leur langue d’origine à leurs enfants, c’est par volonté d’intégration, parce que les ponts avec leur pays d’origine ont été définitivement rompus, parce qu’ils pensent que là d’où ils viennent il n’y a plus rien pour eux ni pour leurs enfants. Ce n’était pas mon cas : enfant, j’allais tous les ans en vacances dans ma famille grecque, ma mère me confiait à mes grands-parents. Mais je ne comprenais rien, c’était très frustrant. Et vers 8-9 ans, j’ai passé beaucoup de temps avec ma marraine,
qui ne parlait pas un mot de français, et je me suis mis à parler grec parfaitement, sans accent… Puis je l’ai perdu. Je me suis toujours demandé pourquoi on m’avait refusé cette langue, cette culture, quelles histoires avaient poussé ma mère à nous écarter de ses origines, d’une part de notre héritage culturel. Et pourquoi, malgré cela, je me suis toujours senti grec, pourquoi mon corps vibre physiquement à la moindre note de musique grecque, à certaines odeurs… Ces questions m’ont donné envie d’écrire un
spectacle sur la mythologie familiale, un spectacle qui explore ce sur quoi se construit une famille.

Quelle est l’histoire de ta famille ?
C’est une histoire d’exils. Mes grands-parents sont des Grecs d’Asie Mineure. Ils sont nés en Turquie, où leur famille a toujours vécu. En 1923 est signé l’accord de Lausanne : les Grecs d’Asie Mineure doivent partir pour la Grèce tandis que les Turcs de Grèce retournent en Turquie. Ils appellent encore ça « La Grande Catastrophe ». Mes grands-parents s’installent à Thessalonique, une ville cosmopolite peuplée de Juifs, de Grecs d’Asie Mineure, d’Arméniens, où ma mère naît dans les années 50. Une quinzaine d’années plus tard, alors que ma mère doit être envoyée au couvent parce qu’elle a eu une attitude inconvenante avec un garçon, mes oncles et tantes dépannent une famille française en vacances. Ils sympathisent. Les Français proposent d’accueillir ma mère chez eux, à Lyon, et de l’inscrire dans un institut catholique avec leur fille. Et ma mère part avec eux en voiture. Elle se retrouve donc à 15 ans dans la bourgeoisie lyonnaise, on lui demande de danser le sirtaki… C’est comme si Zorba le Grec avait débarqué chez eux ! Ma mère apprend le français, passe le bac, fait ses études en France… Elle ne retournera en Grèce qu’avec ses enfants. Ça c’est l’histoire de ma famille, ce sont des histoires. Je pense qu’elles sont vraies, mais je n’en suis même pas sûr.

Comment vas-tu procéder pour écrire ce spectacle ?
Je vais d’abord mener des entretiens avec ma famille. Et là se pose déjà une question : comment les interroger ? Je parle grec avec un très bon accent, mais je fais d’énormes fautes. C’est troublant pour les Grecs, qui me demandent d’où je viens. C’est compliqué, en Grèce, d’où on vient. Ça n’a pas le même sens qu’ici, parce que les Grecs ont beaucoup voyagé. D’abord parce que c’est un pays de marchands, mais surtout parce que c’est un pays pauvre. D’ailleurs, avec la crise actuelle, le pays se vide à nouveau de sa
jeunesse, comme dans les années 60 : ça ne doit pas être un hasard si ce projet prend forme maintenant. Ma mère, elle, n’a pas émigré à cause de la pauvreté, elle a fui la misère culturelle d’un pays écrasé par l’église et l’armée – c’était juste avant la dictature et ses parents étaient sans doute proches des colonels. Je vais donc aller rencontrer ma famille avec un interprète, pour être sûr de bien tout comprendre. Je vais les enregistrer, peut-être les filmer, puis je confierai ces matériaux à un écrivain, Alban Lefranc.

Comment vas-tu travailler avec lui ?
Son travail m’intéresse parce qu’il « interprète » les matériaux réels, il « interprète » des biographies par exemple. Il l’a fait avec Mohamed Ali, Maurice Pialat, Fassbinder, Nico ou des membres de la Bande à Baader. Je vais donc lui proposer d’« interpréter » la biographie d’une jeune grecque qui a eu 20 ans dans les années 70, le parcours d’une famille grecque à travers l’Histoire du XXe siècle. J’ai eu envie de travailler avec lui pour me libérer de l’aspect personnel, familial de ce projet et pouvoir créer une vraie
fiction théâtrale. Je n’ai pas envie de raconter mon histoire, ce qui m’intéresse c’est ce qu’elle véhicule.

Tu lui as donné des consignes d’écriture ?
Non. Ce qui me plaît c’est de ne pas savoir ce qu’il va écrire.

As-tu déjà une idée de la forme que ce spectacle prendra ?
Je me suis écarté de la forme performative. La Petite Fille aux allumettes a fait naître en moi un désir de narration. Nos spectacles sont très libres, ils empruntent à toutes les disciplines : le théâtre, la musique, la danse, la vidéo. J’ai beaucoup aimé créer des spectacles éclatés. Mais maintenant je prends du plaisir à raconter des histoires, à jouer avec les codes de la narration, à explorer ce qu’est une histoire. Le projet grec parle de ça : qu’est-ce qu’une histoire, qu’est-ce que l’Histoire ?

On entendra parler grec ?
La langue principale sera le français, mais on ne peut pas ne pas entendre du grec. J’aimerais réunir des interprètes des deux origines, qui puissent parler les deux langues. J’imagine deux comédiennes sur le plateau : une Grecque et une Française. Elles seront la même personne, mais la grecque sera plus jeune, elle sera le souvenir, celle qui était la grecque avant de partir pour la France. La Française sera celle qui est partie, celle qui a perdu son accent, celle qui tourne le dos à la Grèce. Elles dialogueront, s’affronteront très certainement aussi. Elles seront accompagnées d’un danseur-comédien pouvant jouer plusieurs rôles, le père, le frère, le mari, l’amant, le nouveau
mari, l’ancien amant…

La musique tient toujours une grande place dans tes projets.
Quelle place aura-t-elle dans ce « projet grec » ?
Je compte travailler avec un musicien grec qui vient du rebetiko. On ne jouera pas de rebetiko, je continuerai à composer ma propre musique, mais j’aimerais utiliser les instruments du rebetiko sur scène : le violon, le baglama, le bouzouki, l’oud…

Peux-tu nous parler du rebetiko ?
Le rebetiko, c’est la musique des exilés, une musique inventée dans l’entredeux guerres, juste après la Grande Catastrophe, par des Juifs, des Arméniens, des Grecs d’Asie Mineure, des Grecs des îles qui fuyaient les tremblements de terre… Ils débarquaient sur le continent par les ports du Pirée ou de Thessalonique, ils se retrouvaient dans les mêmes bars. La rencontre de leurs différentes cultures musicales, de leurs instruments, a donné naissance au rebetiko.

C’est une musique qui te touche ?
Elle m’a toujours fait vibrer, radicalement. Elle touche beaucoup de gens, même non grecs. Elle a un côté universel, comme le blues. Mais c’est vrai que les musiques à la croisée de différentes cultures, comme la musique yiddish ou la musique grecque, me touchent particulièrement.

Qu’a-t-elle de particulier ?
Elle est très mélancolique. Elle raconte des histoires de femmes, de prostituées, de bagarres, de règlements de compte, de fumeries, de haschich…

Est-elle encore vivante ?
Oui, beaucoup de jeunes en jouent aujourd’hui. Ça redevient à la mode, surtout avec ce qui se passe en Grèce actuellement. Mais je n’ai pas envie d’en jouer dans ce spectacle parce qu’elle a été créée par des gens qui n’existent plus. Or j’ai envie de parler de maintenant.

Distribution

A partir de textes de Joachim Latarjet et d’Alban Lefranc
Musique et mise en scène : Joachim Latarjet
Dramaturgie et assistanat à la mise en scène : Yann Richard
Avec : Alexandra Fleischer, Joachim Latarjet, Alexandre Théry, Emmanuel Matte et Daphne Koutstafti.
Vidéo : Alexandre Gavras
Lumières : Léandre Garcia Lamolla
Son : François Vatin
Costumes : Nathalie Saulnier
Production : Compagnie Oh ! Oui
Coproduction : Les Subsistances
Avec l’aide à la production dramatique de la DRAC Ile-de-France

Vidéo

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Dates & horaires

jeu 5 octobre 2017 / 19:30 Annulé

ANNULÉ pour raisons techniques.