Quentin Laugier et le Collectif A6 sont accueillis en résidence aux Subs pour leur projet Que tu sais pas qui te mangera.
Quentin Laugier et le Collectif A6 sont accueillis en résidence aux Subs pour leur projet Que tu sais pas qui te mangera.
Résumé
Une loi qui vient d’être votée stipule que toute ferme ne passant pas aux normes européennes vertes d’ici 5 ans sera automatiquement rachetée par une enseigne de la grande distribution. Le député à l’origine de cette loi mange tous les soirs dans le même restaurant où il entame un jeu de séduction flou avec une des cuisinières, après la fermeture des cuisines.
Une fratrie d’agriculteurs travaillant la pomme est touchée de plein fouet par cette loi. Pour garder l’indépendance de cette exploitation et opérer une transition verte, ils doivent s’endetter jusqu’au cou et s’épuisent dans des activités annexes pour augmenter le rendement de cette ferme.
Un projet d’émission télévisuelle culinaire tourne à la catastrophe la veille de l’enregistrement direct : Hansel et Gretel, les deux cuisiniers, frôlent quotidiennement l’overdose de sucre sans jamais réussir à finir leur recette.
Surgissent en résonance les réunions d’une secte qui prône l’absence totale de nourriture comme solution à nos crises alimentaires.
Tous ces personnages se croisent, se font écho et négocient pour exister comme ils peuvent dans un paysage social et politique qu’ils ont, malgré eux, fini par ingérer, et qui s’insinue jusque dans les entrailles de leurs sphères intimes.
Extrait de la note d’intention
L’acte de manger.
Anecdotique, quotidien, et pourtant au fur et à mesure que nous y revenions, nous constations qu’une multitudes de fils pouvaient en être tirés, qu’il avait des résonances sociales, intimes, culturelles, psychologiques, politiques, qu’on pouvait raconter le monde à travers ce sujet et que pourtant, il n’était quasiment jamais abordé comme objet même de spectacle ; seulement comme un prétexte pour parler d’autre chose.
Pourtant, ce thème nous semble névralgique, vaste et profond, et objet de théâtre en soi. Car il raconte autant l’intime, le plus personnel – les questions de l’ordre de la survie, les souvenirs ou les traditions, les rapports pathologiques qu’on peut entretenir avec la nourriture voire même l’érotisme de la dévoration – que le monde social, politique, géographique. Ce que l’on mange raconte notre identité, notre façon de nous percevoir et de percevoir le monde. Comment notre nourriture nous façonne-t-elle ? Que dit-elle de nous, de notre rapport à l’existence ? À notre corps ? A notre héritage ?
Au gré de nos recherches nous avons découvert les travaux de Christine Durif-Bruckert, chercheuse en psychologie sociale et anthropologie, qui travaille sur le récit du corps et des maladies, et notamment chez les personnes atteintes de troubles alimentaires. C’est par son travail que nous avons décidé de resserrer notre réflexion sur la question de l’incorporation : les aliments « s’introduisent en nous, deviennent notre substance intime », et nous faisons l’expérience de notre existence propre en ingérant ce qui est autre, en « mangeant le monde ».
Cette articulation entre intime et politique est quelque chose qui est au cœur de nos problématiques théâtrales. Un acteur sur scène, c’est l’individu qui prend la parole pour raconter l’universel ; c’est un corps aussi, qui se fait champ de bataille des tensions, des questions sociétales. Alors nous nous sommes emparés de ce sujet qui nous semblait être un espace de recherche théâtrale privilégié. Cette matière il a fallu la transformer en texte, en fable, raconter une histoire et passer par la fiction et l’incarnation de personnages.
Le Collectif A6, du nom de cette autoroute qui relie Lyon et Paris, les deux villes où nous habitons, est composé de quatre anciens comédiens de la promotion 76 de l’ENSATT – Marie Menechi, Sacha Ribeiro, Aude Rouanet et Alice Vannier et de Quentin Laugier, comédien et écrivain dramaturge, ami et compagnon de route, sortant de l’école du Studio d’Asnières.
Il naît en 2018 d’une envie commune de rassembler nos amitiés et nos visions artistiques. Le théâtre, c’est l’art de l’ensemble, c’est le contraire de cheminer seul, les un.e.s à côté des autres. A l’aune d’un monde qui prône l’efficacité et l’individualisme, nous revendiquons une démarche de mutualisation dans le travail, et un théâtre qui soulève des questions de société. Nous voulons faire un théâtre qui questionne en permanence et essaie de décortiquer le monde dans lequel nous vivons.
La création doit se faire dans un partage incessant des idées, une confiance mutuelle quel que soit le rôle de chacun (acteur, metteur en scène, technicien ou les trois à la fois). Présence de tous au plateau, mais mise en scène collective – parce que personne n’est plus moteur qu’un autre, il nous semble évident qu’il doit y avoir égalité dans les décisions. Ce qui ne nous empêche pas de nous répartir certaines tâches : construire collectivement, c’est aussi savoir reconnaître les atouts de chacun, chercher l’équité.