Pour le dernier spectacle de la série des Suites, Suite n°4 (Encyclopédie de la parole) a choisi de faire entendre directement le matériau qui constitue sa collection sonore et sert à écrire ses spectacles : les enregistrements de parole. Ce ne sont donc ici plus des acteurs qui redonnent corps à des voix disparues, mais les personnages eux-mêmes qui reviennent du passé pour nous parler avec leurs voix propres, leur mélodie originale, leur timbre inimitable, leur souffle particulier. Sonorisées par Sébastien Roux, les paroles entrent et sortent de scène, transportant avec elles des espaces, des images, des situations, des frictions, des blocs de tension ou d’émotion, des événements majeurs ou minuscules — mille détails vivants que l’enregistrement a gravés et qui se rejouent une nouvelle fois pour nous. Comme dans un opéra, les voix sont soutenues, emportées, transportées par de la musique instrumentale : interprétée par 7 membres de l’ensemble Ictus, la partition de Pierre-Yves Macé déplace l’écoute et révèle des accents enfouis. En croisant l’acoustique et l’électrique, en convoquant des associations de timbres insolites, elle exacerbe la perception et suscite des émotions littéralement inouïes. Une sorte de théâtre de fantômes, donc, mais avec des spectres bien vivants, en couleur, — qui parlent, chuchotent, crient, apostrophent, rient, dialoguent, comptent, racontent, expliquent, prêchent et consolent, ragent et encouragent, désirent et regrettent, prient et remercient, dansent et souffrent et jouissent et vivent et ne veulent pas mourir. En s’attachant aux infimes et infinies modulations de la parole humaine, Suite n°4 est une célébration du plus vivant et du plus fugitif : une manière de faire retentir, une dernière fois, “l’inflexion des voix chères qui se sont tues”.
Suite n°4 est un projet artistique qui explore l’oralité sous toutes ses formes. Depuis septembre 2007, Suite n°4 collecte toutes sortes d’enregistrements et les répertorie en fonction de phénomènes particuliers de la parole telles que la cadence, la choralité, le timbre, l’adresse, l’emphase, l’espacement, le résidu, la saturation ou la mélodie. Chacune de ces notions constitue une entrée de l’Encyclopédie, dotée d’un corpus sonore et d’une notice explicative. À partir de cette collection, qui comporte aujourd’hui plus de 1000 documents en libre écoute sur son site, Suite n°4 produit des pièces sonores, des performances, des spectacles, des conférences, des concerts et des installations. Suite n°4 est animée par un collectif de poètes, d’acteurs, d’artistes plasticiens, d’ethnographes, de musiciens, de curateurs, de metteurs en scène, de dramaturges, de chorégraphes, de réalisateurs de radio.
Son slogan est : « Nous sommes tous des experts de la parole » .
Ictus est un ensemble de musique contemporaine bruxellois, qui cohabite depuis 1994 avec l’école de danse P.A.R.T.S et la compagnie Rosas (dirigée par Anne- Teresa De Keersmaeker), avec laquelle il a déjà monté quatorze productions, de Amor Constante à Vortex Temporum. L’ensemble a par ailleurs travaillé avec d’autres chorégraphes : Wim Vandekeybus, Maud Le Pladec, Eleanor Bauer, Fumiyo Ikeda. Ictus est un collectif fixe d’une vingtaine de musiciens cooptés (dont le chef d’orchestre Georges-Elie Octors). Ictus a parié dès ses débuts sur la mutation irréversible des ensembles vers le statut mixte d’orchestre électrique, en engageant par exemple un ingénieur du son régulier au rang d’instrumentiste. Ictus construit chaque année une saison à Bruxelles, en partenariat avec le Kaaitheater et Bozar. Cette saison permet d’expérimenter de nouveaux programmes face à un public cultivé mais non spécialisé, amateur de théâtre, de danse et de musique. Depuis 2004, l’ensemble est également en résidence à l’Opéra de Lille. Ictus travaille la question des formats et des dispositifs d’écoute : concerts très courts ou très longs, programmes cachés (les Blind Dates à Gand), concerts commentés, concerts-festivals où le public circule entre les podiums (les fameuses Liquid Room présentées dans toute l’Europe). Ictus anime enfin un cycle d’études : un Advanced Master dédié à l’interprétation de la musique moderne en collaboration avec la School of Arts de Gand. Plus d’informations, un blog et beaucoup de matériel audio sont disponibles sur le site.
La musique de Pierre-Yves Macé se situe au croisement entre l’écriture contemporaine, la création électroacoustique, l’art sonore et une certaine sensibilité rock. Une part importante de son travail repose sur les notions de recyclage, d’appropriation ou de citation. Entamé en 2010, le cycle inprogress Song Recycle pour piano et haut-parleur reprend et transforme une sélection de performances vocales amateur récoltées sur YouTube. Sa musique est publiée sur les labels Tzadik, Sub Rosa, Brocoli. Elle est interprétée par les ensembles Cairn, l’Instant Donné, l’Orchestre de chambre de Paris, le Hong Kong Sinfonietta, les Cris de Paris, le collectif 0 (“zéro”). Il collabore avec les artistes Hippolyte Hentgen, les écrivains Mathieu Larnaudie, Philippe Vasset, Pierre Senges, Julien d’Abrigeon, compose la musique pour les spectacles de Sylvain Creuzevault, Christophe Fiat, Joris Lacoste, Anne Collod, Fabrice Ramalingom. En 2014, il est lauréat de la résidence Hors les murs (Institut Français) pour le projet Contreflux. Soutenu en 2009 à l’Université de Paris 8, son doctorat de musicologie paraît aux Presses du réel en 2012 sous le titre Musique et document sonore.
Sébastien Roux compose de la musique expérimentale qu’il donne à entendre sous la forme de disques, de séances d’écoute, d’installations ou parcours sonores, d’oeuvres radiophoniques. Il travaille autour des questions de l’écoute, de l’espace sonore et de la composition à partir de contraintes formelles. Depuis 2011, il développe une approche basée sur le principe de traduction sonore, qui consiste à utiliser une oeuvre pré-existante (visuelle, musicale, littéraire) comme partition pour une nouvelle pièce sonore. Il travaille avec les ensembles Dedalus et GEX. En parallèle, Roux collabore régulièrement avec des artistes issus de différentes disciplines. Il travaille avec l’auteure Célia Houdart et le scénographe Olivier Vadrot sur des projets transdisciplinaires et in situ. Il travaille avec la chorégraphe américaine DD Dorvillier sur la relation danse-musique. Il a bénéficié de commandes et de résidences de la part de EMPAC, de Deutschlandradio Kultur, de la WDR, du ZKM, de la RSR, du GRM, de la Scène Nationale de Montbéliard, de La Muse en Circuit, de CESARE, et du GMEM – CNCM. Il a été lauréat de la Villa Médicis hors-les-murs (USA, 2012) et du concours d’art radiophonique de La Muse en Circuit. Il a été pensionnaire de la Villa Médicis à Rome (2015-2016).
Joris Lacoste écrit pour le théâtre et la radio depuis 1996, et réalise ses propres spectacles depuis 2003. Il a ainsi créé 9 lyriques pour actrice et caisse claire aux Laboratoires d’Aubervilliers en 2005, puis Purgatoire au Théâtre national de la Colline en 2007, dont il a également été auteur associé. De 2007 à 2009 il a été co-directeur des Laboratoires d’Aubervilliers. En 2004 il lance le projet Hypnographie pour explorer les usages artistiques de l’hypnose : il produit dans ce cadre la pièce radiophonique Au musée du sommeil (France Culture, 2009), l’exposition-performance Le Cabinet d’hypnose (Printemps de Septembre Toulouse, 2010), la pièce de théâtre Le vrai spectacle (Festival d’Automne à Paris, 2011), l’exposition 12 rêves préparés (GB Agency Paris, 2012), la performance La maison vide (Festival Far° Nyon, 2012), ainsi que 4 prepared dreams (for April March, Jonathan Caouette, Tony Conrad and Annie Dorsen) à New York en octobre 2012. Il initie deux projets collectifs, le projet W en 2004 avec Jeanne Revel, qui porte sur la notion de représentation théâtrale et produit notamment des séminaires ainsi que des jeux performatifs ; et l’Encyclopédie de la parole en 2007, avec laquelle il a créé les spectacles Parlement (2009), Suite n°1 ‘ABC’ (2013), Suite n°2 (2015) et Suite n°3 ‘Europe’ (2017).